Aurlus Mabélé, géant du soukouss, s’en est allé le 19 mars des suites du Covid-19. Que la terre (« mabele » en lingala) lui soit légère. PAM vous propose de vous en souvenir en 5 titres.
Aurlus Mabélé, un des patrons du soukouss s’est éteint ce 19 mars 2020 à Paris. Le père de la rappeuse Liza Monet, qui aura tenu au moins 15 ans avec une santé devenue chancelante, vient de succomber au coronavirus, après 67 ans d’une vie sur terre bien remplie. Elle a commencée le 26 octobre 1953 dans ce quartier de Poto-Poto, le plus cosmopolite de Brazzaville, où Aurélien Miatshonama (de son vrai nom) vit le jour. En grandissant dans cette Afrique en miniature, on ne peut qu’avoir l’esprit ouvert. C’est en 1974 que la carrière artistique d’Aurlus Mabélé commence, lorsqu’il fonde avec Jean Baron, Mav Cacharel et Pedro Wapechkado, le groupe N’dimbola Lokole. Dans un environnement congolais où la rumba règne en maîtresse et étouffe tout autre courant, le groupe Zaïko Langa Langa, né en 1969 avait certes réussi l’exploit de s’imposer en innovant, mais il fallait être hardi pour ambitionner de trouver une nouvelle voie, en dehors des sentiers battus. C’est pourtant ce que vont faire Aurlus et ses comparses.
Venu étudier en France en 1986, Aurlus (le Brazzavillois) fonde avec son comparse Diblo Dibala (le Kinois) le groupe Loketo. Avec un groove particulier, une rumba accélérée enrichie par les apports de synthétiseurs, beaucoup d’animations, des textes courts en français et des cœurs essentiellement féminins : le soukouss était né. Une sorte de version électro-rock survoltée de la rumba. A cela ils ajoutèrent (parfois) un petit zeste de tempo antillais, Paris étant devenu le creuset de rencontres réunissant artistes d’Afrique et de la Caraïbe. Et comme c’est souvent le cas pour l’histoire de la musique congolaise, qui s’est construite toujours de concert entre les deux rives du grand fleuve, le soukouss aussi a été conçu à cheval entre Kinshasa et Brazzaville, pour enfin naître à Paris. Un cocktail qui n’a pas son pareil pour danser. De Paris, sa musique gagnera toute l’Afrique, les Antilles et l’Océan Indien. Aurlus Mabélé, en duo avec le guitariste Diblo Dibala, a vendu d’innombrables d’albums. Il aura beaucoup tourné en Afrique, aux Caraïbes et en Amérique y compris Latine où le soukouss, comme en Colombie, avait d’innombrables fans. Une vrai success-story internationale !
« Mabele Mokonzi » disent les Congolais (la terre est une reine, version locale de « Tu es terre et tu retourneras à la terre »). Son nom de scène résonne d’une manière particulière, aujourd’hui qu’il est parti. De lui, on retiendra quelques pépites, parmi les plus mémorables du soukouss !
« Femme ivoirienne »
Le soukouss est une musique très commerciale. C’est un modèle économique spécifique dans la musique africaine. Un style prisé par les festivals, qui peuvent compter sur beaucoup d’ambiance, avec peu de musiciens sur scène. Certes, il n’est pas exclu qu’Aurlus ait eu une copine ivoirienne. Mais la forme impersonnelle du titre et du texte ne se justifie pas que par des raisons de discrétion, comme on pourrait le supposer. C’est aussi un message commercial pour « draguer » le public ivoirien. Le public africain est souvent sensible aux petits détails de ce genre. Si chaque ivoirienne se met à penser qu’elle trouble d’amour la star du soukouss, le pari est gagné. Il faut dire que dans les années 80 et 90, le microcosme musical francophone africain sait qu’Abidjan est la capitale africaine du showbiz. La ville où il faut passer pour monter vers Paris ou pour rayonner et/ou consolider son rayonnement en Afrique. Souvent les deux. Donc il était de bon aloi d’exalter ce pays (qu’Aurlus affectionnait) en flattant la fierté nationale (Tabu Ley ne l’avait-il pas fait avec sa chanson « Bel Abidjan » ?). Quoi qu’il en soit, le soukouss trouva dans ce titre un de ses tubes !
« Africa Mousso » ou « Femme d’Afrique »
Ici il ne rend pas hommage qu’à la femme congolaise, ni à Cathy la réunionnaise (une autre chanson), ni à « Laetitia » (encore une autre), mais à toutes les femmes africaines.
« Embargo »
Dans « Embargo », Aurlus Mabélé est dans le registre des quolibets, qui à l’époque commence à devenir à la mode dans les titres d’albums ou de chansons phares de la musique congolaise. Ne peut lancer un embargo contre les autres chanteurs que celui qui est investi d’une autorité. Dès lors, son succès artistique peut constituer un embargo empêchant la réussite de ses rivaux – c’est en tout cas ce que proclame le chanteur.
« Asta De »
Dans « Asta De », et toujours dans le registre de l’amour, c’est la femme malienne qui est à l’honneur. Il lui déclare sa flamme, souvent avec quelques phrases dans une des langues du pays, un peu de français et conclut l’affaire en lingala.
« Katy la Réunionnaise »
Dans cette chanson, il chante pour Katy, la Réunionnaise qu’il honorera en lui dédiant un titre complet. La Réunion (comme Madagascar) est une autre terre où le soukouss fit fureur. Aurlus y invite sa kafrine (sa mousso noire, mais le terme est utilisé pour désigner affectueusement toute femme) à le rejoindre pour danser le maloya et le sega…